Peter
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« le: 12 Août 2008 à 19:22:25 » |
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En raison de l'intérêt qu'il a gardé, je me permets de reprendre l'article de Jacques NOETINGER, publié dans Aviation Magazine n°347 (15/05/1962) ci-dessous pour en partager le contenu avec vous tous.
Bonne lecture, Peter - HB-EBM
En vol; aux commandes du DR 100 Ambassadeur
Depuis de longs mois, j'attendais de faire connaissance avec le seul Jodel que je ne connaissais pas encore mais dont la formule triplace me semblait particulièrement séduisante: le DR-100 "Ambassadeur". Après le monoplace BB, les biplaces 112, 117 et 120, le quadriplace D-140 " Mousquetaire ", j'avais hâte de connaître les particularités propres au triplace, doté d'un moteur de 90 ch. Pour cette raison, je me mis cet été en relation avec Lucien Querey, cet acharné constructeur et propagandiste de la formule Jodel et auquel je dois bon nombre d'intéressantes découvertes en tant que pilote. Les circonstances, le hasard et surtout la bienveillance de la Société Potez, contribuèrent à donner à ce projet un tour inattendu. L'infatigable pilote qu'est Claude Harang se prêta avec dévouement a mes prières en comblant à la fois ma soif de découverte et en concrétisant les promesses de la S A.N. et de la Société Potez. Il vint spécialement à Vittel avec son DR-100 " Ambassadeur ", le seul équipé pour l'instant du nouveau Potez 4E dont on parle tant à l'heure actuelle.
Un avion riche déjà d'un beau palmarès
Quand j'arrivai en fin de matinée au terrain l'avion était au parking. Il était venu de Paris. L'équipage composé de Claude Harang et de mon complice photographe Fernand Dengremont avait disparu. Il était parti en quête de quelques rafraîchissements bien mérités. Je débutais seul mon expertise. Le DR-100 " Ambassadeur " immatriculé F. BIZU me sembla conforme dans ses grandes lignes aux Jodel classiques. Pourtant je notais que l'aile avait une envergure plus grande que celle du biplace . 8 m 75. Joliment décoré et peint avec soin en blanc et noir, il me sembla particulièrement élégant et racé. Son cockpit entièrement vitre, son carénage de dérive, ses roues prisonnières d'un carénage en plastique peint, son capot moteur très harmonieux, prolongé par une casserole d'hélice bien profilée, contribuent à lui donner cette impression de fini que ne dément pas l'équipement de la cabine. Cet avion, à coup sûr, égale, par son aspect général, la classe de présentation des plus séduisants appareils américains qu'il nous arrive d'admirer.
J'avais vu cette cellule en construction à la S.A.N. à Bernay en avril dernier, pourtant je ne pouvais ignorer que depuis cette époque le F.BIZU avait sillonné les cieux non seulement en France mais aussi et surtout à l'étranger. Après quelque 110 heures de vol avec son Continental 90 ch d'origine, il avait reçu le premier moteur Potez 4E et piloté par Claude Harang, il avait encore totalisé une centaine d'heures de vol et s'était classé premier des étrangers lors du rallye de Sicile ! Lorsque j'ai exprimé mon admiration au propriétaire du F. BIZU, il m'a simplement souri d'un air de dire : "L'avion est fait pour voyager quant au moteur je lui fais confiance et jusqu'alors je m'en trouve fort aise ". Du reste, il m'a prouvé avoir une foi totale dans sa machine en m'offrant d'emblée de me mettre au poste de pilotage et de me laisser voler avec les passagers que je choisirais.
Confort et bon goût de la cabine
Pour un avion de ce tonnage (780 kg), je fus d'abord surpris de constater que les sièges sont réglables. Un petit levier permet en effet à chaque siège avant de glisser sur un rail et de l'immobiliser à la position choisie. Un bon point en passant. Pour le passager arrière, disposant d'une banquette confortable, et très large, l'accès est facilité par le basculement du siège avant. De ce siège, la visibilité est parfaite puisque la cabine est entièrement en plexiglas moulé, comme le pare-brise avant, d'une seule pièce. Deux portes, en demi coquille, s'ouvrent vers l'avant et se verrouillent ouvertes contre le capot-moteur. Des serrures de 2 ch Citroën et un rappel de sécurité tiennent fermée la cabine en vol.
Le tableau de bord en matière plastique moulée est d'un dessin harmonieux et les instruments s'y détachent avec clarté. Notons sur ce tableau les jauges d'essence électriques donnant la contenance des deux réservoirs de 55 litres placés à l'avant et à l'arrière de la cabine. La manette des gaz s'enfonçant au centre du panneau et à bonne hauteur. Quatre lampes-témoins dont deux sont des avertisseurs d'épuisement des réservoirs, une troisième permet de contrôler la génératrice et la dernière s'allume quand sont sortis les aérofreins dont nous reparlerons.
Les commandes sont classiques : manches droits, palonniers sans freins apparents. La position extrême des pédales agit automatiquement sur la roue correspondante, système contestable, à mon avis, surtout pour les décollages et les atterrissages par vent de côté. Par contre, entre les deux sièges un levier sert de frein à main et agit sur les deux roues à la fois. Un verrouillage de ce levier permet au DR-100 de disposer d'un frein de parking. Enfin un autre levier sert à manoeuvrer les aérofreins dont l'efficacité est précieuse, tout spécialement à l'approche.
En un mot tout semble avoir été conçu ici avec un souci de simplicité sans pourtant négliger l'esthétique et le fini. C'est exactement ce que cherche l'utilisateur qui se lasse de regarder un tableau de bord trop sommairement présenté et qui ne se contente plus de manettes ou de commandes grossièrement usinées. Comme il aime aussi son confort, il appréciera les sièges et les revêtements de toute la cabine.
Impressions de vol
J'ai fait huit vols à Vittel à bord du DR-100 " Ambassadeur " ; pour chacune de ces promenades j'avais deux passagers et parfois trois, quand un enfant était là pour profiter de l'aubaine. C'est dire que j'ai toujours volé à pleine charge. La mise en route, frein de parking serré est simple. Le Potez contrairement au Continental n'a pas de magnétos mais se contente comme les moteurs de voiture d'un delco et d'une bobine. Les contacts se présentent sous forme de deux poussoirs situés l'un au-dessus de l'autre, à la partie gauche du tableau de bord. Ceux-ci en position, un coup de démarreur suffit à lancer l'hélice Régis et le chant du moteur, doux et régulier débute. De la cabine, le son est peu bruyant. D'emblée on a l'impression que ce 4 cylindres tourne rond et il inspire confiance. Pourtant, du moins pour l'instant, une précaution reste à prendre : il faut surveiller l'indicateur de température des cylindres car, en dépit de l'absence de prise d'air extérieure à l'avant du capot, ce moteur chauffe peu et refroidit vite, or il est recommandé de ne pas décoller avant d'avoir 170 degrés aux têtes de cylindres. Même après un court arrêt de cinq ou dix minutes, il faut laisser chauffer le moteur.
Le roulement au sol est aisé grâce à la roulette arrière efficacement conjuguée avec le palonnier. Tous mes décollages réalisés avec un vent moyen de travers se sont effectués sur le terrain en herbe de Vittel en 350 mètres environ. Quand l'avion a quitté le sol et que le badin atteint 110 km/h, la vitesse ascensionnelle est de l'ordre de 3 à 3,5 m/s avec un régime de 2.300 t/mn et une pression d'admission de 90 pz. La hauteur des sièges et la forme de la verrière donnent à tous les occupants de la cabine une excellente visibilité. En croisière, le régime du moteur Potez est de 2.350 t-m et la pression d'admission est de 80 à 500 m d'altitude. Lorsque l'appareil est bien stabilisé la température d'huile se maintient entre 80 et 85 degrés, celle des têtes de cylindres entre 170 et 180 degrés et la vitesse se stabilise entre 185 et 190 km/h ce qui est fort. satisfaisant pour un avion pesant à pleine charge 740 kg et utilisant un moteur de 90 ch. Au point de vue sonorisation, "l'Ambassadeur" F. BIZU est nettement moins bruyant que le biplace de 65 ch. On peut se parler. D'autre part, comme le moteur " tourne bien rond ", les vibrations si couramment transmises par le propulseur sont ici absentes, ce qui concourt à donner une agréable impression de sécurité et de confort.
Bien entendu, je ne me suis pas contenté de faire de classiques tours de pistes au cours de mes différents vols. En ne ménageant pas les occasions de faire des évolutions dans différentes configurations, j'ai pu constater aussi bien la parfaite conjugaison des commandes, l'efficacité du flettner de profondeur, la réponse immédiate des ailerons dans les virages déclenchés. Deux remarques cependant. L'effort latéral sur le manche est un peu supérieur à celui que nécessite la profondeur. Le flettner du F-BIZU est bien dosé en efficacité mais demande un réglage pour avoir plus de débattement en piqué. Enfin, au cours des décrochages effectués successivement avec et sans moteur, j'ai retrouvé les avantages de la formule de l'aile Jodel. Avec moteur, en position très cabrée, le badin tombe progressivement tandis que le vario demeure positif. L'avion ne s'enfonce pas. Il garde une bonne défense aux ailerons, se trémousse lorsque le badin indique légèrement moins de 50 km/h et finalement, comme avec regret, l'"Ambassadeur" fait un petit salut pour se raccrocher immédiatement sans aucune tendance à tomber sur une aile ou sur l'autre. Sans moteur, les caractéristiques de décrochage sont semblables et la petite abattée se produit lorsque le badin indique 65 km/h.
Impressions d'ensemble
La présence des aérofreins facilite considérablement l'approche car ceux-ci permettent de prendre un angle de descente très accentué avec un vario tombant jusqu'à -5 m/s, si on le désire, tandis que l'on tient le badin aux alentours de 130 km/h. Sans aucun inconvénient, les aérofreins peuvent être rentrés et ressortis en cours de prise de terrain pour modifier la courbe d'approche à condition d'effectuer ces manoeuvres en dessous de 150 km/h. Le levier de commande de ces aérofreins est à la fois rationnel et simple. En approche finale la vitesse recommandée à pleine charge est de 100 km/h. Dès que l'avion est au sol, il se freine sans qu'il soit utile de se servir de freins. Comme le prouvent les indications fournies précédemment, le DR-100 "Ambassadeur" à moteur Potez 4E ne réserve aucune surprise susceptible de dérouter un pilote familiarisé avec le Jodel classique. Le moteur Potez en lui inspirant une confiance justifiée le dispensera même de la servitude du réchauffage du carburateur qui n'existe pas plus que sur le DR-100 à moteur Continental, du fait de la prise d'air intérieure.
Pourtant le DR-100, malgré son air de famille avec les Jodel, m'est apparu comme un avion plus fin, plus intéressant à piloter que le biplace ou le monoplace. Il demande plus de doigté, en particulier au décollage et à l'atterrissage. Toutes les améliorations apportées au dessin de la cellule concourent à offrir aux utilisateurs du triplace un avion plus racé qui reste un avion sûr. Cacherai-je le petit sentiment de fierté que j'ai ressenti en présence de cet avion 100 % français ? C'est la première fois depuis de longues années que je trouve, dans cette catégorie, une cellule si soignée sortie d'une usine française et dotée d'un moteur également français promis semble-t-il à une belle carrière. Je me souviens de certains avions légers ou de tourisme nés il y a une dizaine d'années et que l'on avait aussi voulu 100 % français... Malheureusement, les moteurs furent la plupart du temps la cause de leur insuccès. Cette fois la Société Potez a engagé sa responsabilité. Elle est lourde mais solidement étayée par une longue expérience mise au service de l'aviation légère.
Par Jacques NOETINGER, publié dans Aviation Magazine n°347 (15/05/1962)
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